Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de ce genre à la connotation péjorative qu’est le Grand-Guignol et qui a été l’une de mes influences pour écrire mon roman Le Carnaval de Sang-Rire. Il désigne désormais une œuvre qui abuserait de violences sanguinolentes, d’atrocités sans fond ou d’exagérations morbides, comme certains films gores ou des textes s’attardant sur des descriptions macabres. Pour ma part, la violence excessive, si elle a pour premier objectif de choqué et faire réagir, peut également cacher dans ses ténèbres rouges les mots et maux sincères et bruts de leurs auteurs. Derrière la scène spectaculaire d’une exécution riche en hémoglobine peut se cacher le message profond et secret du poète, témoin de son époque et des affres du monde. Mais effectivement, le grand-guignolesque est avant tout un spectacle.
Le théâtre du Grand-Guignol ouvre ses portes en 1896, à Paris. Il est tout juste une petite salle de 280 places dont le propriétaire, Oscar Méténier, donnera son nom en référence au Guignol du début du XIXème siècle, qui, à l’aube du XXème, serait devenu un « Grand Guignol ». Alternant l’horreur et le comique, les spectacles programmés, attireront un public hétéroclite, mais seront aussi victimes de la censure à leurs débuts.
Peu après, la direction passe dans les mains de Max Maurey qui développera l’aspect sensationnel qu’on connait du Grand-Guignol. Lorsque Maurey partira diriger le théâtre des Variété en 1914, il confiera les rênes à Camille Choisy, qui continuera d’alterner horreur et comédie avec de nombreux auteurs, notamment André de Lorde, auteur Toulousain très prolifique de pièces horrifique, surnommé « Le Prince de l’épouvante ». Lors des trente premières années du XXème siècle, le Grand-Guignol mettra en scènes de nombreuses pièces extravagantes où le faux sang fusera en grande quantité alors que des prothèses seront arrachés à des acteurs hurlant de douleur. Mais l’arrivé du cinéma, avec notamment des films comme Frankenstein de James Whale, amorcera le déclin du théâtre qui continuera tout de même à faire trembler de peur et de rire la capitale jusqu’au début des années 60.
Appartenant depuis à l’État, la petite salle est désormais le siège de l’International Visual Theater.
Comme je l’ai dit plus haut, outre les pièces qui furent jouées dans ce théâtre ou d’autres qui s’en approchent, le Grand-Guignol désigne des œuvres horrifiques principalement basées sur le spectaculaire et le macabre. Ce genre a sur le spectateur un effet cathartique, une extériorisation, une sublimation de ses sombres pulsions. Un effet qui existe depuis l’antiquité : à moindre échelle, il était courant pour les grecs et les romains d’aller au théâtre pour voir des pièces violentes et sanglantes. Parmi les nombreuses dans ce registre, je ne serai trop vous conseiller Médée de Sénèque (je l’avais lu et adoré à la fac).
Je pense qu’avec le cinéma d’horreur, notamment les slashers, où le spectaculaire et l’effusion de sang se doivent d’être sensationnels, on retrouve justement ce qui a fait le succès du Grand-Guignol. Et dans ces films violents, nous avons encore l’effet cathartique qui permet au spectateur d’y voir le reflet de ses pulsions cachées. D’où le fait que ce genre de film attire beaucoup les adolescents, période où nous sommes en quête de sensations fortes. Ce n’est pas un hasard que les protagonistes de ces films soient la plupart du temps de jeunes adultes, et que les divers thèmes abordés soient en corrélation avec les questionnements de cet âge : le sexe, la quête d’identité, la transition vers l’âge adulte…
Je terminerai en disant qu’il est assez dommage de relier l’extravagance du Grand-Guignol à un aspect simplement péjoratif alors que l’horreur peut, dans le cadre simple d’une œuvre d’art, s’avérer un exutoire agissant comme une clé délivrant l’âme de nos démons intérieurs.